Contrôle de constitutionnalité
01 January 0001 Monday
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
No ND 7/20
Annulation de la disposition autorisant l’accès aux données à caractère personnel par les services chargés de l’enquête de sécurité et de la recherche des archives
Le 19 février 2020, dans le dossier no E.2018/163, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle et annulé la disposition disposant que les services en charge des enquêtes de sécurité et des recherches dans les archives sont autorisées à recevoir des informations et des documents des archives et des centres de traitement électronique des données des ministères et des institutions publiques, à accéder aux dossiers conservés conformément aux articles 171 et 231 de la loi no 5271 sur la procédure pénale, ainsi qu’à accéder aux résultats des enquêtes menées par les procureurs généraux, aux décisions de non-poursuite et aux décisions judiciaires définitives. |
La disposition contestée
Selon la disposition contestée, les services en charge de l’enquête de sécurité et de la recherche des archives (ci-après, « les services d’enquête de sécurité ») ont le droit d’accès aux informations et aux documents se trouvant dans les archives des ministères, des institutions et organismes publics ainsi que des centres de traitement des données informatisées, dans le cadre de la conduite d’une enquête de sécurité et de la recherche des archives. Toujours d’après la disposition contestée, ces services ont également le droit d’accès aux registres tenus par les instances en cause et aux décisions de justice.
Le fondement du recours en annulation
Dans le cadre du recours formé, il est principalement allégué que la disposition contestée accorde un pouvoir illimité à l’administration, dans le cadre de son activité d’enquête de sécurité et de recherche des archives, pour accéder, collecter, classer, traiter et évaluer les données à caractère personnel des personnes souhaitant entrer dans la fonction publique. Par ailleurs, il est invoqué qu’à l’issue de l’enquête de sécurité en question, les personnes concernées sont empêchées d’entrer dans la fonction publique, et le cas échéant, elles pourraient a fortiori être révoquées de leur fonction actuelle, de sorte que la disposition contestée apporte une restriction imprévisible au droit d’accès à la fonction publique et que, par conséquent, elle est contraire à la Constitution.
L’appréciation de la Cour
L’article 20 de la Constitution dispose que « Le traitement des données à caractère personnel ne peut être effectué que dans les cas prévus par la loi ou avec le consentement exprès de la personne concernée. Les fondements juridiques et les règles de procédures en matière de protection des données à caractère personnel sont régis par la loi ». Ainsi, la protection des données à caractère personnel est garantie dans le cadre du droit au respect de la vie privée.
Le droit de demander la protection des données à caractère personnel est un aspect particulier du droit à la protection de la dignité humaine et du développement libre des personnes. D’après la jurisprudence bien établie de la Cour constitutionnelle, « (…) non seulement les informations permettant de déterminer l’identité des personnes comme leur prénom, leur nom, leur date et lieu de naissance mais aussi toutes les données permettant de les identifier directement ou indirectement tels que leur numéro de téléphone, leur plaque d’immatriculation automobile, leur numéro de sécurité sociale, leur numéro de passeport, leurs origines, leurs photographies, l’enregistrement de leurs images et de leurs sons, leurs empreintes digitales, leur adresse IP, leur adresse électronique, leurs loisirs, leurs préférences, les personnes avec lesquelles sont entretenues des relations, leurs appartenances à des groupes, leurs informations familiales, leurs données de santé » sont toutes reconnues comme étant des données à caractère personnel.
Dans ce sens, les données obtenues à la suite d’une enquête de sécurité et de la recherche des archives sont considérées comme étant des données à caractère personnel. La disposition contestée apporte une restriction au droit de demander la protection des données à caractère personnel dans la mesure où, dans le cadre de la conduite d’une enquête de sécurité et de recherche des archives, elle autorise l’accès à des données à caractère personnel telles que des informations relatives à la vie privée, professionnelle et sociale des personnes concernées, et aussi l’accès aux registres concernant les décisions et les arrêts rendus par les procureurs de la République, les juges ainsi que les décisions de justice sur des allégations de commission de crimes et délits par les personnes concernées et à l’utilisation de ces registres par les services d’enquête de sécurité.
Selon l’article 20 de la Constitution, le traitement des données à caractère personnel ne peut être effectué que dans les cas prévus par la loi ou avec le consentement exprès de la personne concernée. D’après les articles 13 et 20 de la Constitution, l’existence formelle d’une réglementation légale autorisant la restriction du droit de demander la protection des données à caractère personnel ne suffit pas en soi. Il faut également que cette réglementation soit suffisamment claire, accessible et prévisible, de sorte qu’elle n’autorise aucun arbitraire.
Dans un État de droit, les réglementations légales doivent être, au-delà de tout doute possible, claires, précises, compréhensibles et objectives, de même qu’elles doivent prévoir des mesures de protection contre les comportements arbitraires des autorités publiques. La loi doit contenir toutes ces qualités qui sont nécessaires pour garantir la sécurité juridique.
L’article 129 de la Constitution prévoit que les fonctionnaires et les agents publics doivent mener leurs fonctions respectives dans le respect de la Constitution et des lois. La passation de réglementations légales en matière d’enquêtes de sécurité et de recherches des archives au sujet des personnes qui seront employées dans la fonction publique est laissée à l’appréciation du législateur. Toutefois, les règles qui prévoient une réglementation dans ce domaine doivent clairement préciser les conditions et les limites dans lesquelles les autorités publiques sont habilitées à agir et elles doivent également prévoir suffisamment de garanties contre les éventuels abus de droit.
Même si l’on relève que la disposition contestée prévoit, dans le cadre de la conduite d’une enquête de sécurité et de la recherche des archives, l’accès des services d’enquête de sécurité aux informations ayant le caractère de données personnelles, en revanche, on constate que la loi ne prévoit pas dans quelles mesures ces informations seront utilisées, quelles seront les autorités qui mèneront l’enquête et la recherche, dans quelles conditions ces informations seront gardées, si les personnes concernées auront un droit d’opposition ou pas, si ces informations seront effacées après un certain laps de temps ou pas, et le cas échéant, si elles sont effacées, les procédures à suivre, et s’il est prévu de mettre en place un système de contrôle pour la prévention des abus de droit.
Par conséquent, l’autorisation d’accès et d’utilisation des informations ayant le caractère de données personnelles à l’issue d’une enquête de sécurité et de la recherche des archives sans que la loi ne prévoie les principes et les garanties fondamentaux en matière d’accès, d’utilisation et de traitement de telles informations est contraire aux articles 13 et 20 de la Constitution.
Au vu de ce qui précède, la Cour constitutionnelle déclare que la disposition contestée est contraire à la Constitution et décide, en l’occurrence, de l’annuler.
Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle. |