Contrôle de constitutionnalité

01 January 0001 Monday

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

 No ND 14/20

 Annulation de la disposition prévoyant la non-applicabilité de la procédure pénale simplifiée aux dossiers passés en instance de jugement à compter du 1er janvier 2020 

Le 25 juin 2020, dans le dossier no E.2020/16, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle et annulé l’expression « (…) passés en instance de jugement (…) » contenue dans l’article 5 provisoire ajouté au Code de procédure pénale par la loi no 7188, dans la mesure où elle se rapporte à la notion de « procédure pénale simplifiée » figurant dans le même alinéa.

 

La disposition contestée

La disposition contestée prévoit que dans les dossiers passés en instance de jugement pour lesquels une décision judiciaire n’a pas encore été rendue, la procédure pénale simplifiée – qui a une incidence sur le quantum de la peine en faveur de l’accusé - ne s’applique que de manière restrictive aux dossiers passés en instance de jugement, ultérieurement à la date donnée.

Le fondement du recours en annulation

Dans le recours formé, il est allégué notamment que la disposition contestée est contraire à la Constitution au motif que les règles de procédure, en particulier, celles concernant les dispositions favorables, doivent s’appliquer à toutes les affaires litigieuses.

L’appréciation de la Cour

Conformément aux principes de la clarté juridique et de la sécurité juridique, l’article 38 § 1 de la Constitution disposant qu’ « (…) aucune personne ne peut être punie par une peine plus lourde par rapport à la peine qui est prévue par la loi en vigueur au moment de la commission d’un acte criminel », pose l’interdiction de l’application rétroactive de la loi plus défavorable. Cette disposition régissant l’application dans le temps des normes pénales manifeste un principe qui sous-tend au principe de légalité, à savoir la non-rétroactivité des lois plus défavorables. Ainsi, cette interdiction est considérée comme une soupape de sécurité de la liberté individuelle.

Une loi entrant en vigueur après la date d’une infraction, qui soit décriminalise l’acte en question soit y inflige une peine plus douce, fait entrer en jeu un autre principe qui sous-tend au principe de légalité, à savoir le principe de l’application de la loi plus favorable.

La Constitution interdit explicitement l’application de la loi pénale plus sévère aux infractions commises avant son entrée en vigueur. En même temps, comme conséquence des principes de clarté et de sécurité juridiques, cette interdiction nécessite l’application de la loi postérieure plus favorable par rapport à la loi en vigueur au moment de la commission de l’infraction. En effet, si l’on admet que les dispositions défavorables de la loi abrogée continuent à s’appliquer dans les cas où un acte criminel qui au moment de sa commission est considéré comme une infraction par la loi en vigueur mais qui, avec l’entrée en vigueur d’une loi postérieure, est par la suite décriminalisé, ou bien, dans les cas où il est prévu, en comparaison avec la loi abrogée, d’y infliger une peine plus douce, l’on accepte également les conséquences d’une telle application sur la prévisibilité des peines dans le mesure où dans ces hypothèses, les personnes seront punies par une peine qu’elles ne pourront pas prévoir par avance, contrairement au principe de la légalité des infractions et des peines lequel impose l’obligation de prévoir les infractions et les peines uniquement par la loi. Cela est également contraire au principe de la légalité des infractions et des peines dont le but est de garantir par la Constitution la sécurité juridique des personnes en matière pénale.

Selon l’article 141 de la Constitution, l’Etat doit prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’empêcher le prolongement indu de la durée des procédures judiciaires. A cet égard, la mise en place par le système juridique, et plus particulièrement, le Code de procédure judiciaire, d’une réglementation permettant de s’assurer de la clôture des procédures judiciaires dans un délai raisonnable est une obligation qui découle du droit à un procès équitable dans un délai raisonnable. Dans ce cadre, l’établissement des règles de procédures garantissant la clôture dans un plus bref délai de la procédure judiciaire pour certaines infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur. Toutefois, il est incontestable que les mesures légales prises dans ce but ne doivent pas empêcher la prise d’une décision juste et équitable sur le fond de l’affaire en cause à la fin de la procédure menée.

Dans ce contexte, certaines règles de procédures peuvent avoir un effet sur le quantum des peines prévues pour des actes criminels dont un procès est déjà en cours. La non-applicabilité rétroactive des dispositions favorables à l’accusé en ce qui concerne les règles de procédures ayant un effet sur le quantum de la peine ne peut être considérée comme étant en conformité avec le principe de la légalité des infractions et des peines. 

Le Code de procédure pénale prévoit une réduction d’un quart de la peine infligée en cas d’une condamnation pénale à l’issue de l’application de la procédure pénale simplifiée. En revanche, la disposition contestée prévoit que la procédure pénale simplifiée ne s’applique pas aux dossiers passés en instance de jugement avant une certaine date. Etant donné que, dans les dossiers auxquels il est possible d’appliquer la nouvelle procédure judicaire, la disposition contestée prévoit que la procédure pénale simplifiée ayant une incidence sur le quantum de la peine en faveur de l’accusé ne s’applique que de manière restrictive aux dossiers passés en instance de jugement ultérieurement à une date donnée, il est donc considéré qu’elle n’est pas compatible avec l’article 38 de la Constitution.

Au vu de ce qui précède, la Cour constitutionnelle déclare que la disposition contestée est contraire à la Constitution, et partant, décide de l’annuler.

Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle.