Contrôle de constitutionnalité

01 January 0001 Monday

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

No ND 29/20

Annulation des dispositions relatives à la révocation des ordres de démolition et des amendes administratives concernant les bâtiments sans permis situés dans la zone de vue frontale du Bosphore

Le 24 septembre 2020, dans le dossier no E.2019/21, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle et annulé la mention « (...) et la loi n° 2960 (...) » ajoutée à l’article provisoire 16 § 4 de la loi n° 3194 sur l’aménagement du territoire ainsi que le plan et les limites et la liste de coordonnées relatifs au littoral du Bosphore et à la zone de vue frontale - définis dans la loi n° 2960 sur le Bosphore - et modifiés conformément à l’article provisoire.

 

Les dispositions contestées                                                       

Les dispositions contestées prévoient que les ordres de démolition émis en vertu de la loi n° 2960 sur le Bosphore et les amendes administratives qui semblent irrécouvrables seront révoqués, et que les propriétaires des immeubles situés dans certaines parties de la zone de vue frontale du Bosphore (la zone adjacente au littoral du Bosphore) pourront obtenir un certificat d’enregistrement des bâtiments (un certificat assurant l’enregistrement officiel des bâtiments construits en violation de la loi n° 3194 sur l’aménagement du territoire).

Le fondement du recours en annulation

Dans le recours formé, il est soutenu que les dispositions contestées sont inconstitutionnelles au motif qu’elles enfreignent l’obligation de l’État de préserver les biens historiques, culturels et naturels et entraînent un retrait de l’exécution des ordres de démolition émis à l’égard de plusieurs constructions non autorisées situées dans la zone du Bosphore, ainsi que de la perception des amendes administratives imposées à ce titre.

L’appréciation de la Cour

Aux termes de l’article 56 de la Constitution, l’État a notamment pour mission principale de prendre des mesures visant à améliorer l’environnement naturel, à protéger la santé environnementale et à prévenir la pollution de l’environnement. La notion d’environnement sain et équilibré inscrite dans la Constitution implique non seulement un environnement où les beautés naturelles sont préservées et où la pollution de l’air et de l’eau résultant de l’urbanisation et de l’industrialisation est évitée, mais aussi un environnement qui est établi et réglementé conformément à un plan et programme particuliers.

L’article 63 de la Constitution consacre le devoir de l’État d’assurer la protection des biens et des richesses historiques, culturelles et naturelles et de prendre des mesures de soutien et de promotion à cette fin.

Il convient de noter que le législateur dispose d’une marge d’appréciation pour prendre les réglementations qu’il juge nécessaires et déterminer les moyens adéquats pour y parvenir. Toutefois, ce faisant, le législateur doit observer un équilibre raisonnable entre les intérêts publics concurrents, à savoir, entre l’intérêt de mettre en œuvre les réglementations nécessaires, et celui de la protection et de l’amélioration des beautés naturelles ainsi que des biens historiques et culturels de ladite zone.

Istanbul, berceau des civilisations, est une ville privilégiée de la Turquie qui occupe une place spéciale dans le monde grâce à la richesse de ses biens historiques, culturels et naturels. La zone du Bosphore, à Istanbul, zone primordiale pour ses beautés naturelles et ses richesses historiques, culturelles et naturelles, a toujours bénéficié d’une grande importance au cours de l’histoire. Cette zone unique, en plus de sa beauté naturelle, englobe également plusieurs œuvres d’art et valeurs qui sont d’une importance cruciale en termes d’histoire et de culture nationales.

À Istanbul, la ville de Turquie qui compte le plus grand nombre de biens culturels enregistrés, le Bosphore est l’une des régions où les bâtiments enregistrés sont le plus souvent situés. La région du Bosphore possède plusieurs biens culturels et naturels exceptionnels qui constituent le patrimoine commun de l’humanité. Par conséquent, la préservation du littoral du Bosphore et de la zone de vue frontale est une préoccupation non seulement pour les personnes vivantes mais aussi pour les futures générations. Il est donc évident que la préservation et l’amélioration des beautés naturelles ainsi que des biens culturels et historiques du littoral du Bosphore et de la zone de vue frontale impliquent un intérêt public important.

En ce sens, il est considéré que les facilités prescrites par les dispositions contestées pour la reconstruction et le réaménagement des villes peuvent effectivement être fournies par d’autres méthodes ; et que les dispositions contestées, qui vont à l’encontre de l’objectif de préservation du site du Bosphore, dont la beauté naturelle et les valeurs culturelles sont précieuses, ont entravé l’équilibre raisonnable entre les intérêts concurrents en question.

En considération des dommages causés à l’environnement, aux biens culturels et naturels ainsi que des avantages recherchés, la Cour conclut que les dispositions contestées rompent le juste équilibre entre les obligations positives de l’État de protéger et d’améliorer l’environnement ainsi que les biens culturels et naturels.

Au vu de ce qui précède, la Cour déclare que les dispositions contestées sont contraires à la Constitution, et en l’occurrence, décide de les annuler.

Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle.