Contrôle de constitutionnalité
01 January 0001 Monday
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
No ND 22/20
Annulation de la disposition interdisant les marches de protestation sur les routes interurbaines
Le 10 septembre 2020, dans le dossier no E.2020/12, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle et annulé le segment de phrase figurant à l’article 22 § 1 de la loi no 2911 relative aux réunions et manifestations se lisant comme suit : « (…) et les marches de protestation ne doivent pas avoir lieu sur les autoroutes interurbaines. ». |
La disposition contestée
La disposition contestée interdit l’organisation de marches de protestation sur les routes interurbaines.
Le fondement du recours en annulation
Il est brièvement soutenu qu’au préalable de la détermination du lieu pour organiser une marche de protestation, il convient également de prendre en considération les droits et libertés des autres individus susceptibles d’utiliser l’emplacement concerné. Cependant, la disposition contestée impose une interdiction catégorique, sans tenir compte d’une telle considération. À cet égard, il est allégué que la disposition en question est inconstitutionnelle.
L’appréciation de la Cour
Le droit de tenir des réunions et des marches de protestation, garanti par l’article 34 de la Constitution, protège la liberté des individus de se réunir dans des espaces ouverts ou clos afin d’exprimer leurs opinions. Ce droit, associé à la liberté d'expression, constitue le fondement d’une société démocratique.
La disposition contestée constitue une restriction ratione loci au droit de tenir des réunions et des marches de protestation en interdisant l’organisation de marche de protestation sur les routes interurbaines.
La Cour a déjà exposé son approche de base sur la restriction ratione loci imposée au droit de tenir des réunions et des marches de protestation dans son arrêt n° E.2014/101, K.2017/142 du 28 septembre 2017, dans lequel elle a annulé l’expression « voies publiques ... » de l’article 22 § 1 de la Loi n° 2911.
Dans cet arrêt, elle a affirmé que les réunions et les manifestations ont inévitablement un effet négatif sur la vie quotidienne d’autrui, que l’utilisation des voies publiques à des fins différentes peut entraîner un conflit entre différentes libertés et qu’en cas de conflit, il convient de trouver un équilibre raisonnable afin de protéger toutes les libertés en cause dans la mesure du possible, et qu’à cet égard, l’ingérence à la liberté de circulation des usagers de ces routes en raison des réunions qui y sont organisées ne nécessite pas automatiquement l’interdiction de celles-ci.
En outre, la perturbation de la circulation routière affecte l’ordre public ainsi que la liberté de circulation d’autrui. Il est donc clair que la restriction imposée par la disposition contestée poursuit un but légitime.
Cependant, l’octroi d’une supériorité absolue à la prévention de la perturbation de la circulation routière lors de la détermination de l’itinéraire de la marche de protestation, entraînera un déséquilibre entre le droit de tenir des réunions et des marches de protestation, l’ordre public ainsi que les droits et libertés d’autrui, au détriment du premier. Dans ses précédents arrêts, la Cour a mis l’accent sur l’effet inévitablement négatif des réunions et les marches de protestation sur la vie quotidienne d’autrui et a toutefois précisé que cela devrait être toléré dans une société démocratique.
Dans les cas où les droits et libertés d’autrui se voient accorder une supériorité absolue lors de la détermination du lieu où se déroulera la marche de protestation, seules certaines zones seront autorisées à cet effet et les autres seront considérées absolument interdites. Toutefois, dans certains cas, le lieu de la marche et l’itinéraire choisi revêtent une importance emblématique en vue d’influencer le groupe ciblé par cette marche. Dans une société démocratique, les individus devraient pouvoir choisir le lieu de marche de protestation dans la mesure où il n’est pas question de force majeure.
Le droit en question peut être restreint dans les cas où la perturbation de la circulation routière due à une marche de protestation rend la vie quotidienne extrêmement difficile et insupportable, à condition que les principes et règles constitutionnels soient respectés. En l’espèce, la disposition contestée interdit catégoriquement l’organisation de marches de protestation sur les routes interurbaines, sans traiter de l’ampleur des perturbations ou des difficultés potentielles.
Au vu de ce qui précède, la Cour constitutionnelle conclut que la restriction du droit de tenir des réunions et des marches de protestation ne répond pas à un besoin social impérieux, ni aux exigences d’une société démocratique. Par conséquent, la Cour déclare que la disposition contestée est contraire à la Constitution, et donc, décide de l’annuler.
Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle. |