01 January 0001 Monday

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

01/07/2020

No BB 40/20

Violation de l’interdiction de la discrimination en raison de la privation de la possibilité de combler les lacunes de cotisations de retraite encourues pour les périodes de services à l’étranger avant l’acquisition de la nationalité turque

Le 5 mars 2020, dans l’affaire Bedrettin Morina (requête n° 2017/40089), l’Assemblée plénière de la Cour constitutionnelle a déclaré la violation de l’interdiction de la discrimination, en combinaison avec le droit de propriété. 

 

En fait

Le requérant, qui par la suite acquit la nationalité turque, bénéficia d’une pension de vieillesse de l’Institution d’assurance sociale (« la SGK ») à compter du 1er juillet 2009 après y avoir versé les cotisations de retraite manquantes correspondant aux périodes de services effectuées à l’étranger. Cependant, le 22 janvier 2015, la SGK décida de ne plus verser de pension de vieillesse au requérant et lui demanda de restituer les montants versés. Se fondant sur la loi no 3201 sur l’évaluation des périodes passées par les citoyens turcs à l’étranger en termes d’assurance sociale, la SGK nota qu’il était impossible pour le requérant d’avoir droit à la pension de vieillesse en comblant les lacunes de cotisation de pension pour la période de service à l’étranger avant qu’il n’ait acquis la nationalité turque ; et que, par conséquent, la période de service restante ne répondait pas à la période minimale requise pour avoir droit à la pension de vieillesse. Le recours du requérant contre cette décision fut rejeté par la SGK.

Par la suite, le requérant saisit le tribunal du travail (« le tribunal ») qui ordonna le paiement de la pension de vieillesse au requérant sur la base de la durée de son service après son acquisition de la nationalité turque (soit 3600 jours). Sur pourvoi en cassation, la Cour de cassation annula le jugement du tribunal au motif que le requérant, ayant acquis la nationalité turque, n’avait pas le droit à une telle pension en comblant les lacunes de cotisations de retraite pour les périodes de services effectuées à l’étranger avant la date d’acquisition de la nationalité ; et qu’il n’avait pas non plus cherché la protection offerte par l’assurance volontaire et, renvoya l’affaire devant le tribunal. Le tribunal, faisant référence aux motifs indiqués dans l’arrêt de la Cour de cassation, rejeta la demande du requérant. Le jugement de première instance qui fit l’objet d’un pourvoi en cassation fut ultérieurement confirmé par la Cour de cassation et ainsi devint définitif. 

Griefs du requérant

Le requérant allégua qu’il n’avait eu la possibilité de combler les lacunes de cotisations de retraite pour les périodes de services effectuées à l’étranger que pour la période suivant sa date d’acquisition de la nationalité turque, ce qui, selon lui, constituait une violation de l’interdiction de la discrimination, en combinaison avec le droit de propriété. 

Appréciation de la Cour

En l’espèce, la pension de vieillesse contestée constitue un bien au sens de l’article 35 de la Constitution. Par conséquent, le grief du requérant a été examiné sous l’angle de l’interdiction de la discrimination au regard du droit de propriété. Dans le cadre de l’examen de la discrimination alléguée au regard du droit de propriété, il s’agit en premier lieu de vérifier s’il existe une différence de traitement, au sens de l’article 10 de la Constitution, en termes d’ingérence alléguée dans ledit droit entre les personnes se trouvant dans une situation identique ou similaire. Il s’agit ensuite d’examiner et de conclure si la différence de traitement a une base objective et raisonnable et si l’ingérence est proportionnée. 

Les conditions de travail des citoyens ayant obtenu la nationalité turque à leur naissance et de ceux ayant obtenu la nationalité turque par leur naturalisation, ainsi que la place de leurs services rendus dans le cadre du système d’assurance sociale, présentent des caractéristiques similaires. En ce sens, les citoyens turcs de naissance et les citoyens naturalisés turcs forment chacune une catégorie pouvant faire l’objet d’une comparaison en ce qui concerne le droit à la pension de vieillesse en comblant les lacunes de cotisations de retraite pour les périodes de service effectuées à l’étranger.

En effet, la loi n° 3201 permet aux citoyens ayant obtenu la nationalité turque à leur naissance de combler les lacunes en matière de cotisations de retraite, mais n’offre pas cette possibilité à ceux qui acquièrent ultérieurement la nationalité turque pour les périodes de service à l’étranger avant l’acquisition de la nationalité turque.

Un citoyen turc de naissance a droit à une pension de vieillesse en comblant les lacunes en matière de cotisations de retraite pour toute la période de service à l’étranger. Toutefois, le requérant, qui a acquis ultérieurement la nationalité turque, a été privé de cette possibilité pour la période de service à l’étranger effectuée avant l’acquisition de la nationalité turque et, par conséquent, de sa pension de vieillesse, en l’absence de tout motif objectif et raisonnable justifiant une telle différence de traitement selon le type d’acquisition de la nationalité.

Certes, il est vrai que les autorités publiques jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour accorder un droit à la pension de vieillesse en comblant les lacunes en matière de cotisations de retraite encourues pour les périodes de services à l’étranger. Toutefois, en l’espèce, il est observé que le requérant n’a pas pu bénéficier de la possibilité de combler les lacunes en matière de cotisations de retraite pour les périodes de service à l’étranger avant l’acquisition de la nationalité turque et que cette impossibilité ne se fonde sur aucune justification pertinente et objective et a donc constitué un traitement discriminatoire au regard du droit de propriété. En raison de cette ingérence discriminatoire, le requérant, qui ne pouvait plus travailler, a dû supporter une charge excessive pour avoir été laissé en dehors de la couverture sociale. 

Au vu de ce qui précède, la Cour constitutionnelle décide qu’il y a eu une violation de l’interdiction de la discrimination, en combinaison avec le droit de propriété tel que garanti par l’article 35 de la Constitution.

Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle.