01 January 0001 Monday

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

14/10/2020

No BB 66/20

 

Violation du droit au respect de la vie privée en raison de la diffusion des données personnelles de l'intéressé par l’administration avec un tiers

Le 17 septembre 2020, dans l’affaire Arif Ali Cangı (requête no 2016/4060), l’Assemblée plénière de la Cour constitutionnelle a déclaré la violation de l’article 20 de la Constitution garantissant le droit à la protection des données personnelles dans le cadre du droit au respect de la vie privée.

 

En fait

Le requérant, qui est avocat, était la partie demanderesse dans l’action intentée pour l’annulation du plan de zonage de l'espace qui couvre également la mine d’or de Bergama (‘Bergama Altın Madeni’).

En 2006, l’avocat de la Société anonyme d’exploitation aurifère Koza (« la Société »), qui menait des activités d’extraction d’or dans la région en question et qui s’était constitué partie civile a ladite procédure, sollicita du Ministère de l'intérieur (« le Ministère ») des informations afin de s’en servir dans le cadre de la procédure judiciaire. La réponse du Ministère contenait certaines informations privées du requérant.  Plus tard, dans une rubrique publiée dans un journal national appartenant au groupe Koza Ipek, l’auteur de la rubrique porta des accusations contre le requérant. Dans le cadre d’une action intentée contre cette rubrique, l’auteur versa dans le dossier d’enquête la réponse du Ministère contenant des informations personnelles du requérant et à destination du représentant légale de la Société.

Le requérant réclama une indemnisation pour préjudice morale, faisant valoir que ses droits personnels avaient été enfreint en raison du partage avec des tiers du document contenant la réponse du Ministère au représentant légal de la Société, dans lequel se trouvaient des informations et des constats erronés sur lui-même. Suite au rejet de sa demande par le Ministère, le requérant introduisit un recours de plein contentieux devant la cour administrative compétente, qui fut à son tour rejeté. Le Conseil d'État maintint ladite décision.

Le 26 octobre 2015, un curateur ('kayyum') fut désigné à la tête du groupe Koza Ipek en raison de l’établissement de son soutien aux activités de l’Organisation terroriste güleniste (« FETÖ/PDY »).

Griefs du requérant

Le requérant allègue que son droit au respect de la vie privée a été violé en raison du partage avec l’avocat de la Société de ses données personnelles, ne pouvant être sollicité que par les autorités judiciaires, sans tenir compte des conditions prévues par la législation.

Appréciation de la Cour

L’article 13 de la Constitution retient comme principe de base que la restriction des droits et des libertés n'est possible que s'il est prévu par la loi. L’article 20 prévoit, quant à elle, que les données personnelles ne peuvent être traitées que « dans les cas prévus par la loi ou par consentement explicite de la personne ».

En l’espèce, les données personnelles du requérant furent partagées avec des tiers, sans consentement explicite de celui-ci, à la demande du représentant légal de la Société partie à la procédure pour l’annulation du plan de zonage.  Les autorités administratives et judiciaires n’ont pas su démontrer que la diffusion des données du requérant servait un intérêt public.  De plus, aucune information n’a été fourni quant à l’existence d’une enquête judiciaire en cours contre le requérant.   Dans de telles circonstances, la Cour observe que la diffusion aux tiers des données personnelles présumées être recueillies exclusivement pour des fins de renseignement, n’entre pas dans le cadre des lois no 4982 et 1136, sur lesquelles les autorités administratives et judiciaires avaient fondé leurs décisions. Elle constate en outre que l’ingérence au droit à la protection des données personnelles est dépourvue de fondement légal.  

Le partage des données personnelles du requérant a servi, en l'occurrence, à l’intérêt personnel d’une troisième personne, partie à un litige de droit privé.  Des lors, on ne peut parler de l’existence d’un but légitime dans le partage des informations personnelles -dont le lien avec le fond de l’action n’est établi- avec un tiers.  

Tenant compte de l’absence d’enquête menée à l’encontre du requérant par le Ministère, l'administration n’a pas été en mesure de justifier les raisons et le contexte dans lequel les données en question ont été obtenues.  Les juridictions inférieures, non plus, n’ont pu fournir de motifs pertinents et suffisants pour démontrer le besoin social impérieux qui était satisfait par l'obtention et le partage de ces données personnelles.

La Cour constate que l’obtention et la diffusion des données personnelles du requérant avec une troisième personne et ce, sans son consentement explicite de celui-ci, ne répondait pas à un besoin social impérieux et ne se conformaient pas avec les exigences d’une société démocratique.

Au vu de ce qui précède, la Cour conclut à la violation du droit à la protection des données personnelles dans le cadre du droit au respect de la vie privée protégé par l'article 20 de la Constitution.

Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle.