Recours Individuel
01 January 0001 Monday
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
14/04/2020
No BB 29/20
Violation du droit d’accès à un tribunal en raison du rejet du recours introduit par le syndicat au nom du requérant
Le 26 février 2020, dans l’affaire Mustafa Berberoğlu (requête no 2015/3324), la Deuxième Section de la Cour constitutionnelle a déclaré la violation de l’article 36 de la Constitution garantissant le droit à un tribunal dans le cadre du droit à un procès équitable. |
En fait
Le requérant, qui était le représentant syndical dans l’institution où il était employé, fut l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires, puis nommé au sein d’un autre département en raison de ses difficultés d’adaptation au sein de son service. Le syndicat, dont il était membre, forma un recours contre la décision de nomination de celui-ci en son nom. Cependant, le tribunal administratif (« le tribunal ») rejeta le recours en question. Sur pourvoi en cassation, le Conseil d’État, confirma le jugement de rejet du tribunal, relevant que le dossier ne contenait aucun document démontrant que le requérant avait saisi le syndicat et qu’il lui avait donné par écrit le pouvoir d’agir en justice en son nom et pour son compte. Le Conseil d’Etat rejeta également la demande en rectification d’arrêt du requérant.
Griefs du requérant
Le requérant allègue la violation de son droit d’accès à un tribunal en raison du rejet du recours tendant à l’annulation de sa nomination, introduit par le syndicat dont il est membre, pour absence de la qualité pour agir.
Appréciation de la Cour
Dans le cadre de l’examen des requêtes individuelles, la Cour constitutionnelle a déjà affirmé que les restrictions empêchant une personne de saisir un tribunal pouvaient porter atteinte au droit d’accès à un tribunal.
En l’espèce, une action a été introduite par le Syndicat, au nom et pour le compte du requérant, contre la décision de nomination par voie de mutation de celui-ci à un autre département. Le Conseil d’État a reconnu que le syndicat pouvait introduire une action administrative au nom du requérant à condition qu’il y soit autorisé par procuration conformément à la loi no 4688 concernant les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives de travail. Toutefois, il a observé que le syndicat n’avait pas la qualité pour agir étant donné que le requérant ne lui avait pas délivré de procuration explicite. Le requérant a alors saisi le Conseil d’État d’une demande en rectification d’arrêt, faisant valoir que le document démontrant qu’il avait donné le pouvoir au syndicat d’agir en son nom se trouvait bien dans le dossier et qu’il pouvait facilement le compléter en cas d’omission identifiée ; cependant, sa demande fut rejetée.
Tenant compte du fait qu’il est presque impossible d’introduire une nouvelle action en cas de rejet de l’action en question pour le motif de l’absence de la qualité pour agir, il convient d’avoir recours à un tel motif de rejet en dernier ressort. Il en va de même dans le cadre d’une procédure administrative : il est quasiment impossible d’introduire une nouvelle action administrative dans les délais légaux suite à une décision de rejet pour le même motif. Le rejet d’une action administrative pour le motif de l’absence de la qualité pour agir constitue donc une ingérence assez sévère dans le droit d’accès à un tribunal. Une telle décision doit, en conséquence, être prise lorsqu’aucune autre voie plus légère ou alternative n’existe.
La loi no 6100 sur la procédure civile (« la loi no 6100 ») prévoit des mécanismes alternatifs au rejet direct d’une action en cas d’omissions dans le dossier de procuration ou du pouvoir. Selon cette loi, il peut être exigé de compléter le dossier en cas d’omissions identifiées dans le document de pouvoir. D’après les arrêts du Conseil d’État, on observe que la pratique de compléter le dossier par voie de décision interlocutoire y est également appliquée. Cette pratique est certainement plus appropriée à l’approche qui met en avant l’exercice des droits fondamentaux et qui rend les restrictions exceptionnelles. Toutefois, en l’espèce, le Conseil d’État n’a pas demandé au syndicat de compléter les documents manquants ; et n’a pas indiqué, dans son arrêt, les raisons pour lesquelles il n’a pas eu recours à cette mesure de restriction moins sévère, et pourquoi celle-ci ne permettait pas d’atteindre l’objectif légitime recherché.
Le Conseil d’État n’a pas non plus discuté des raisons pour lesquelles les dispositions pertinentes de la loi no 6100, empêchant le rejet immédiat de l’affaire, n’était pas applicable en l’espèce. Cette interprétation effectuée par le Conseil d’État a rendu impossible l’accès du requérant à un tribunal.
Le recours par le Conseil d’État à une mesure lourde empêchant l’accès du requérant à un tribunal au lieu du recours à une mesure suscitant une ingérence moins sévère en vue d’atteindre l’objectif recherché est incompatible avec le principe de nécessité.
Par ces motifs, la Cour constitutionnelle conclut que le droit d’accès à un tribunal dans le cadre du droit à un procès équitable protégé par l’article 36 de la Constitution a été enfreint.
Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle. |