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COMMUNIQUÉ DE PRESSE

14/08/2020

No BB 51/20

Violation du droit d’accès à un tribunal en raison du rejet sans examen du fond des actions intentées en vue d’être réintégré à son poste de travail

Le 2 juillet 2020, dans les affaires Emin Arda Büyük (requête no 2017/28079) et Berrin Baran Eker (requête no 2018/23568), l’Assemblée plénière de la Cour constitutionnelle a déclaré la violation de l’article 36 de la Constitution garantissant le droit d’accès à un tribunal dans le cadre du droit à un procès équitable.

 

 En fait 

À l’époque des faits, l’un des requérants était employé par une société sous-traitante au poste de secrétaire médical au sein d’une université et l’autre était agent de propreté dans une crèche attachée à une municipalité. Leurs contrats de travail furent résiliés dans le cadre du décret-loi no 667 émis à la suite de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016. Les requérants introduisirent une action en réintégration à leurs postes respectives, près de différents tribunaux de travail. Cependant, les tribunaux en question rejetèrent leurs demandes. Par conséquent, les requérants interjetèrent appel contre la décision de rejet, qui fut à son tour rejeté par la cour d’appel régionale.

Griefs des requérants

Les requérants allèguent que leur droit d’accès à un tribunal fut enfreint en raison de la décision de rejet, sans examen de fond, de leur demande de réintégration à leurs postes de travail suite à la résiliation de leurs contrats pour abus de confiance.

Appréciation de la Cour

Le droit d’accès à un tribunal est une garantie inhérente au droit à un procès équitable, indispensable dans une société démocratique. Il exige que les autorités judiciaires examinent, apprécient et tranchent les litiges objets des procédures judiciaires. Le droit d’accès à un tribunal ne garantit pas seulement une décision formelle rendue à terme de la procédure, il requière également que les demandes liées au litige en question soient considérées par les autorités judiciaires.

Lorsqu’une autorité judiciaire conclut une procédure en se conformant seulement aux allégations et aux arguments de l’une des parties, sans prendre en considération les contestations en substance avancées par l’autre partie, bien qu’une décision formelle soit émise, il n’est pas possible de parler d’un véritable jugement. Dans de telles circonstances, l’existence d’une voie de recours judiciaire en théorie sera dépourvue de sens en pratique, ainsi le droit d’accès à un tribunal et par conséquent, le droit à un procès équitable ne demeureront qu’une illusion. Les autorités judiciaires ont l’obligation constitutionnelle de répondre aux demandes de protection judiciaire et de conclure, dans ce contexte, une procédure suite à l’appréciation des allégations et des arguments, en examinant le fond du litige en cause.

Dans le cas d’espèces, les juridictions inférieures précisèrent, dans leurs décisions motivées, que les actions avaient été rejetées au fond. Toutefois, l’affirmation par les juridictions que l’action fut rejetée au fond ne signifie pas que le fond du litige fut en réalité résolu. Afin que le litige soit véritablement résolu, les juridictions inférieures auraient dû considérer la question de savoir si la résiliation des contrats de travail des requérant se fondaient sur des motifs valables selon les dispositions du droit de travail. Dans leurs décisions de rejet, les juridictions inférieures ont fait valoir que la résiliation de ces contrats se fondait sur le décret-loi no 667 et que, par conséquent, il n’appartenait pas à elles de contrôler la conformité de l’appréciation et de la conclusion en ce sens des institutions publiques. Compte tenu du fait que les juridictions rejetèrent l’action au motif qu’il n’était pas possible de procéder à un examen sur la conformité de l’appréciation et de la conclusion des institutions publiques, il est évident qu’elles n’ont pas tranché le fond du litige.

L’action intentée en vue d’une éventuelle réintégration au travail s’appuyait sur l’article 20 du Code du travail no 4857. Selon ledit article, le litige est essentiellement formé autour de la question de savoir si la résiliation du contrat de travail du requérant est justifiée par une raison valable ou non. Par conséquent, la procédure, initiée suite au recours formulé contre la résiliation du contrat par l’employeur conformément à l’article 4 du décret-loi no 667, consistera à déterminer si cette résiliation se fondait sur un motif valable.

La disposition mentionnée stipule que le contrat de travail de tout employé estimé avoir une appartenance ou être en relation, en lien ou en contact avec une structure, une entité ou un groupe/une organisation terroriste dont l’activité contre la sécurité nationale de l’État fut établie par le Conseil de sécurité national, peut faire l’objet de résiliation. Cependant, aucune disposition restreint le pouvoir de contrôle des autorités judiciaires. De même, aucune clause n’empêche que les autorités judiciaires examinent le fond d’une action de réintégration intentée par un employé dont le contrat de travail fut résilié suivant l’article 4 du décret-loi no 667.

En l’espèces, la Cour observe que les juridictions inférieures n’ont pas procédé à l’examen afin déterminer si la résiliation en cause satisfaisait bien les conditions requises. En d’autres termes, les juridictions inférieures n’ont pas su répondre à leur fonction de considérer et trancher l’intégralité des questions matérielles et juridiques constituant le litige ; et n’ont donc pas mené une activité purement juridique, qui est l’essence même de leur fonction. Par conséquent, la voie de recours prévue pour les requérants contre la résiliation de leurs contrats ne leur a été accessible qu’en théorie.  

En vue de ce qui précède, la Cour constitutionnelle conclut dans les deux affaires à la violation du droit d’accès à un tribunal.

Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle.