Recours Individuel
01 January 0001 Monday
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
19/03/2020
No BB 19/20
Violation du droit de propriété en raison du non-remboursement des frais de recours requis pour le recours en appel en dépit de la décision en faveur de la requérante
Le 15 janvier 2020, dans l’affaire Farmasol Tıbbi Ürünler San. ve Tic. A.Ş. (No 2) (requête n° 2017/37300), la Première Section de la Cour constitutionnelle a déclaré la violation du droit de propriété garanti par l’article 35 de la Constitution. |
En fait
La société Farmasol Tıbbi Ürünler San. ve Tic. A.Ş. (« la requérante ») exerçant le commerce de produits médicaux fut exclue, par la commission d’appel d’offres, de participer à l’appel d’offres lancé par l’Union des hôpitaux publics de la province de Sinop (« l’administration »). La requérante porta plainte contre la décision d’exclusion de participation à l’appel d’offres auprès de l’administration, mais celle-ci rejeta sa plainte. Par la suite, la requérante interjeta appel auprès de l’Autorité des marchés publics (« l’Autorité ») en payant des frais de recours d’un montant total de 6 831 livres turques, laquelle fit droit à l’appel de la requérante.
La demande de la requérante tendant au remboursement des frais de recours pour l’appel interjeté fut néanmoins rejetée par une décision ultérieure de l’Autorité. La requérante introduisit alors un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de cette décision devant le tribunal administratif compètent (« le tribunal »). Soulignant que les frais de recours contestés faisaient partie des revenus de l’administration et constatant également que la disposition légale prévoyant le paiement des frais de recours en question n’avait pas été annulée par la Cour constitutionnelle, le tribunal rejeta le recours de la requérante. Par la suite, le recours en appel formé par la requérante contre le jugement du tribunal fut également rejeté par la Cour d’appel régionale.
Griefs de la requérante
La requérante allégua la violation de son droit de propriété en raison du non-remboursement des frais de recours requis pour la procédure en appel devant l’Autorité, et ce en dépit de la décision qu’elle avait prise en sa faveur.
Appréciation de la Cour
En l’espèce, l’Autorité qui a examiné l’appel de la requérante s’est prononcée en faveur de celle-ci et a ordonné des mesures correctives au motif de l’illégalité de la décision d’exclusion de participation à l’appel d’offres de l’administration.
En vertu de la loi n° 4734, les soumissionnaires ne peuvent intenter directement une action devant les juridictions administratives compétentes ; ils/elles doivent épuiser au préalable les voies de recours administratives qui leurs sont offertes, à savoir le dépôt d’une plainte (şikâyet) auprès de l’administration ayant lancé l’appel d’offres et ensuite l’appel (itirazen şikâyet) auprès de l’Autorité. En l’espèce, il est relevé que la requérante a été contrainte de payer les frais de recours requis pour la procédure en appel devant l’Autorité afin d’assurer l’établissement de l’illégalité de l’acte contesté de l’administration. Il est également observé que ces frais n’ont pas été remboursés à la requérante en dépit de la décision de l’Autorité ayant fait droit à l’appel de la requérante et ayant établi l’illégalité de la décision de l’administration ayant lancé l’appel d’offres.
Bien que le paiement des frais de recours en question par la requérante poursuive un but d’intérêt général, l’ingérence dans le droit de propriété de la requérante du fait du non-remboursement des frais y correspondants malgré une décision en sa faveur ne doit pas lui imposer une charge excessive.
La requérante ne peut pas introduire un recours sans avoir préalablement épuisé les voies de recours administratives prévues par la législation. Si la requérante avait pu introduire directement un tel recours, elle n’aurait pas payé les frais de recours en question et si une décision en sa faveur avait été rendue à l’issue de la procédure, les frais de justice auraient été couverts par l’autre partie. D’autre part, les frais de recours requis pour interjeter un appel devant l’Autorité sont beaucoup plus élevés que les frais de justice à engager dans le cadre d’une action administrative. Si les soumissionnaires savaient que ces frais de recours ne leur seraient pas remboursés même si leur demande en vue d’établir l’illégalité des actes de l’administration était jugée valable, ils pourraient alors s’abstenir de recourir à cette voie de recours.
En l’espèce, il est considéré que les intérêts de la requérante ont été méconnus et que, par conséquent, l’ingérence dans le droit de propriété de la requérante du fait du non-remboursement des frais de recours en question malgré une décision en sa faveur était disproportionnée. Le fait que la requérante ayant obtenu gain de cause a dû introduire une action distincte pour obtenir le remboursement des frais de recours en question au lieu de le percevoir directement par l’Autorité auprès de laquelle elle avait payé ces frais a donc entraîné une charge excessive à la requérante. En effet, le remboursement des frais de recours en cause aurait dû être assuré directement par l’administration compétente. Le fait de faire supporter cette charge à la requérante est incompatible avec les garanties procédurales inhérentes au droit de propriété.
En outre, bien que le recours de la requérante ait été rejeté par la juridiction inférieure au motif que la disposition légale prévoyant le paiement des frais de recours en question n’avait pas été annulée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt no E.2009/9, l’objet de cet arrêt ne portait pas sur le remboursement des frais de recours en question. Dans cet arrêt, la Cour a en effet examiné la question de la légalité du paiement de tels frais.
Au vu de ce qui précède, la Cour constitutionnelle conclut donc à la violation du droit de propriété garanti par l’article 35 de la Constitution.
Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle. |