01 January 0001 Monday

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

05/05/2020

No BB 31/20

Violation du droit de propriété en raison du défaut de paiement du salaire du Mokhtar au cours de sa détention provisoire

Le 11 mars 2020, dans l’affaire Doğan Depişgen (requête n° 2016/12233), la Deuxième Section de la Cour constitutionnelle a déclaré la violation du droit de propriété garanti par l’article 35 de la Constitution.

 

En fait

Le requérant, un mokhtar (muhtar), placé en détention provisoire dans le cadre d’une enquête pénale, fut acquitté à l’issue de la procédure menée à son encontre dans ce cadre. Le jugement d’acquittement devint définitif sans qu’il ne fît l’objet d’un appel. Par la suite, le requérant saisit la Cour d’assises d’une demande en dommages et intérêts contre le Trésor public, laquelle fit droit à sa demande. Toutefois, au cours de la procédure en cassation, la Cour de cassation considéra que le requérant devait s’adresser à l’administration, puis aux tribunaux administratifs, pour la perte de revenus qu’il avait prétendument subie en raison du défaut de paiement de son salaire pour toute la durée de sa détention.

Sur ce, le requérant s’adressa au Bureau des administrations locales pour obtenir le paiement de ses salaires impayés au cours de sa détention. L’administration provinciale spéciale rejeta la demande du requérant au motif qu’il n’était pas possible d’effectuer un paiement pour la période passée en détention conformément au règlement sur le paiement des allocations aux mokhtars (« le règlement »).

Le requérant introduisit un recours contre l’administration provinciale spéciale. Le tribunal administratif, rejetant le recours du requérant, considéra que celui-ci n’avait pas droit audit salaire puisqu’une autre personne l’avait remplacé en tant que mokhtar. Le pourvoi en cassation du requérant ainsi que sa demande ultérieure en rectification d’arrêt devant le Conseil d’État furent rejetés.

Griefs du requérant

Le requérant allégua que son droit de propriété avait été violé en raison du défaut de paiement de son salaire de mokhtar pour la période où il se trouvait en détention.

Appréciation de la Cour

En l’espèce, après que le jugement d’acquittement du requérant est devenu définitif, il s’avère que ce dernier a introduit une action en réparation de ses dommages matériels et moraux qu’il avait prétendument subis en vertu de la loi n° 5271, et dont il a eu gain de cause. Cependant, les autorités compétentes ayant refusé de lui accorder le paiement de son salaire de mokhtar pour la période où il se trouvait en détention, le requérant a alors introduit à cet égard un recours devant les tribunaux administratifs.

Il est relevé que le requérant, ayant été élu comme mokhtar de quartier, avait le droit de recevoir un salaire de mokhtar conformément à la loi no 2108. Par ailleurs, le requérant ayant été acquitté, la réparation des dommages subis pendant la durée de sa détention était devenue nécessaire. Par conséquent, il est considéré que le requérant avait une espérance légitime d’obtenir la réparation de ses dommages et le paiement de ses salaires impayés.

Les juridictions administratives, en l’absence de toute disposition légale, ont interprété les dispositions du règlement pertinent dans le sens que les salaires impayés dont le versement était demandé ne pouvaient être versés au requérant et ont donc rejeté sa demande. Pourtant, il s’avère que le requérant n’avait pas quitté ses fonctions de son propre chef pour des raisons telles qu’un problème de santé ou une absence pour congé annuel, comme le prévoyait le règlement pertinent.

Les juridictions inférieures, en interprétant les dispositions pertinentes de la loi et du règlement, n’ont pas pris en considération la raison pour laquelle le requérant avait dû quitter son poste. À l’époque des faits litigieux, le paiement du salaire du requérant était une obligation légale, et à cet égard, aucune restriction n’était prévue. Même si l’on prend en considération les dispositions du règlement pertinent, il faut tenir compte du fait que le requérant a été contraint de quitter son poste contre son gré.

Bien qu’il ait été admis que les dommages subis par le requérant en raison de sa détention devaient être indemnisés conformément aux dispositions légales pertinentes, les autorités n’ont pas présenté de motifs raisonnables pour refuser le paiement desdits salaires au requérant. Le défaut de paiement des salaires impayés au requérant en raison de l’interprétation stricte des dispositions pertinentes du règlement ainsi que des dispositions légales pertinentes par les juridictions inférieures a fait peser une charge excessive sur le requérant. Le juste équilibre à trouver entre la protection du droit de propriété et le but d’intérêt général poursuivi par l’ingérence a été rompu au détriment du requérant. Dès lors, l’ingérence litigieuse était disproportionnée.

Au vu de ce qui précède, la Cour constitutionnelle conclut donc à la violation du droit de propriété garanti par l’article 35 de la Constitution.

Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle.