Recours Individuel
01 January 0001 Monday
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
30/09/2020
No BB 60/20
Violation du droit à l’assistance d’un avocat en raison de la conduite d’une procédure non-conforme à un arrêt de violation rendu par la Cour européenne des droits de l’homme
Le 22 juillet 2020, dans l’affaire Mehmet Ali Ayhan (requête no 2016/7967), la Première Section de la Cour constitutionnelle a déclaré la violation de l’article 36 de la Constitution garantissant le droit à l’assistance d’un avocat. |
En fait
En 1993, le requérant, placé d’abord en garde à vue par la Direction de la Section Antiterroriste puis en détention provisoire par le juge compétent, ne put jouir de l’assistance d’un avocat pendant la phase d’enquête préliminaire. En [février] 2004, la cour de sûreté de l’État (abolie ultérieurement par l’amendement constitutionnel de mai 2004) condamna le requérant à une peine de réclusion lourde à perpétuité aggravée. Cette condamnation devint définitive à l’issue de l’examen de la Cour de cassation.
Le requérant introduisit alors une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme (« la CEDH »). Cette dernière rendit, en 2009, un arrêt concluant à la violation du droit à l’assistance d’un avocat pendant la phase d’enquête préliminaire et du droit d’être jugé dans un délai raisonnable. S’appuyant sur l’arrêt de violation de la CEDH, le requérant saisit la Cour d’assises no 9 d’une demande de sursis à exécution de la peine prononcée et de réouverture de la procédure.
En 2011, la Cour d’assises no 9 rejeta la demande de réouverture de la procédure. Le requérant forma alors un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la Cour de cassation, laquelle renvoya le dossier devant la Cour d’assises no 10, soit l’instance d’appel compétente, considérant que l’arrêt attaqué était susceptible d’appel. Sur ce, la Cour d’assises no 10 annula l’arrêt rendu en 2011 par la Cour d’assises no 9, laquelle, dans son arrêt du 14 juillet 2015, confirma l’arrêt de la cour de sûreté de l’État rendu en 2004. Le requérant forma alors un pourvoi en cassation contre cet arrêt, qui fut cependant confirmé par la Cour de cassation, avec néanmoins quelques modifications mineures.
Il s’avéra, en outre, que l’arrêt de violation rendu par la CEDH faisait partie des jugements dont l’exécution était supervisée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Toutefois, l’affaire en question fut close.
Griefs du requérant
Le requérant allègue que son droit à l’assistance d’un avocat n’a pas été respecté en raison du rejet de sa demande de réouverture de la procédure formée en s’appuyant sur l’arrêt de violation de la CEDH.
Appréciation de la Cour
Toute allégation de violation d’un droit ou d’une liberté fondamentale garanti par la Constitution et couvert par la Convention européenne des droits de l’homme, tombe sous la compétence de la Cour constitutionnelle, habilitée à procéder à l’examen de celle-ci à travers le mécanisme de recours individuel. En ce sens, il incombe à la Cour constitutionnelle de déterminer si l’arrêt de violation de la CEDH fut respecté ou non. Pour cela, la Cour ne procède pas à la réévaluation des faits de la cause dans son ensemble mais examine la question de savoir si les exigences de l’arrêt de violation de la CEDH ont été satisfaites ou non.
Dans les cas où la CEDH rend un arrêt de violation, les autorités judiciaires [nationales] ont l’obligation d’agir pour le redressement de la violation et de ses conséquences tout en tenant compte de la nature de l’arrêt de violation. Néanmoins, en l’espèce, la cour de première instance accepta de rouvrir la procédure et, à l’issue de celle-ci, elle confirma l’arrêt de la cour de sûreté de l’État après avoir entendu le requérant et son avocat. Elle considéra que les preuves contenues dans le dossier suffisaient à conclure à la condamnation du requérant, y compris même sans tenir compte des déclarations de l’accusé faites au cours de l’instruction préliminaire. Il n’a cependant pas été possible de clarifier si les déclarations du requérant, obtenues lors de l’instruction préliminaire sans la présence de son avocat et qui ont fait l’objet de l’arrêt de violation de la CEDH, constituaient un élément de preuve fondant la condamnation rendue à l’issue de la réouverture de la procédure.
En outre, l’arrêt motivé n’indique aucuns autres éléments de preuves sous-tendant la condamnation du requérant. Enfin, il ne montre pas non plus clairement si la défense avait eu la possibilité de présenter des arguments contre ses preuves ou de s’y opposer. Partant, la Cour constitutionnelle a considéré que les appréciations de la Cour d’assises ne s’alignaient pas avec l’arrêt de violation de la CEDH, que l’examen en question ne répondait pas aux exigences prévues à l’article 36 de la Constitution et que la violation constatée par la CEDH ainsi que ses conséquences n’avaient pas pu être redressées.
Au vu de ce qui précède, la Cour constitutionnelle conclut à la violation du droit à l’assistance d’un avocat.
Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle. |