01 January 0001 Monday

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

31/03/2020

No BB 25/20

 

Violation du droit à une décision motivée du fait de ne pas avoir répondu à un moyen substantiel de nature à pouvoir modifier la décision prononcée

Le 13 février 2020, dans l’affaire Mehmet Okyar (requête no 2017/38342), la Deuxième Section de la Cour constitutionnelle a déclaré la violation de l’article 36 de la Constitution garantissant le droit à une décision motivée dans le cadre du droit à un procès équitable.

 

En fait

Des transactions irrégulières furent identifiées sur le compte bancaire appartenant à une université, lors d’un audit réalisé par des experts financiers. Une enquête fut alors initiée et l’expert employé au sein de la Direction des finances de l’université en question fut accusé de détournement de fonds.

Une procédure pénale fut aussi intentée devant la Cour d’assises à l’encontre du requérant, qui était directeur d’exploitation des fonds renouvelables à l’université en question à l’époque des faits, pour avoir intentionnellement ignoré les actes de détournement de fonds en cause bien qu’il en eût connaissance et qu’il fût responsable de l’audit.

Le requérant soumit au dossier de l’affaire la décision de la Cour des comptes, rendue à l’issue de l’enquête menée par cette dernière sur les faits concernés et, concluant à l’absence de responsabilité du requérant quant aux actes illégaux en cause.

À l’issue de la procédure pénale en question, le requérant fut condamné par la Cour d’assises à une peine d’emprisonnement de deux ans et six mois pour avoir facilité la commission du délit de détournement de fonds. Par suite, invoquant l’absence d’examen par la Cour d’assises de la décision de la Cour des comptes soumise au dossier, le requérant forma appel de l’arrêt de condamnation en question devant la Cour d’appel régionale, laquelle confirma l’arrêt attaqué qui devint alors définitif.

Griefs du requérant

Le requérant soutient que son droit à une décision motivée a été enfreint du fait que la décision de la Cour des comptes, selon laquelle il n’avait aucune responsabilité dans les transactions en cause, n’avait pas était prise en considération par les juridictions inférieures.

Appréciation de la Cour

Le droit à une décision motivée, garanti dans le cadre du droit à un procès équitable sous l’article 36 de la Constitution, a pour objectif d’assurer qu’une personne soit jugé équitablement.

En l’espèce, la Cour des comptes rendit, avant la condamnation du requérant, une décision indiquant que celui-ci n’était pas responsable des transactions irrégulières en cause. Cependant, la Cour d’assises conclut à la condamnation du requérant pour avoir négligé ou avoir retardé la mise en œuvre des obligations découlant de sa fonction.

Dans sa décision, la Cour des comptes considéra que le requérant n’avait pas de responsabilité financière étant donné que les directeurs d’exploitation ne détenaient aucun pouvoir d’audit ou de supervision sur les directeurs financiers. En revanche, malgré qu’elle eût pris connaissance de la décision de la Cour des comptes, la Cour d’assises conclut le contraire, sans présenter les motifs pour lesquels elle s’en était écartée.

Pour pouvoir établir si le requérant avait négligé ou pas ses obligations d’audit, il convient de déterminer si les directeurs d’exécution (le requérant) possédaient bien un pouvoir d’audit et de supervision sur la direction des finances. Pourtant, le moyen avancé par le requérant selon lequel il ne possédait pas un tel pouvoir sur la direction des finances et, qui nécessitait une réponse séparée et claire, n’a pas été examiné par la Cour d’assises.

Le principe de l’État de droit, un des principes fondamentaux devant être pris en compte dans le cadre de l’interprétation des droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution, exige que les organes judiciaires s’abstiennent, dans la mesure du possible, de rendre des décisions contradictoires sur les mêmes faits matériels ou juridiques. Cela peut affaiblir, d’une part, le principe de l’État de droit et, d’autre part, la confiance des personnes dans le droit.

Dans la motivation de l’arrêt de la Cour d’assises, aucune appréciation n’a été réalisée quant à la portée et au contenu du pouvoir d’audit du requérant. En outre, le motif d’appel avancé par le requérant, qui s’appuyait clairement sur la décision de la Cour des comptes, a été rejeté sans aucune justification.

Partant, la Cour Constitutionnelle conclut à la violation du droit à une décision motivée  dans le cadre du droit à un procès équitable garanti par l’article 36 de la Constitution.

Préparé par le Secrétariat Général, le présent communiqué de presse vise à informer le public et ne lie pas la Cour constitutionnelle.